Les jingles publicitaires de Richard Gotainer demeurent ancrés dans nos souvenirs. On lui doit notamment les fameux « On se lève tous pour Danette » ou « Vittel, buvez, éliminez » , des refrains devenus des incontournables de l’histoire de la publicité des années 80.
Bien que nos métiers diffèrent, notre passion commune pour la création musicale et les marques audacieuses nous unit. Nous étions très curieux d’avoir l’avis de ce grand Monsieur responsable de la création de plusieurs centaines de tubes de pub !
En pleine tournée, Richard a eu la gentillesse de répondre à nos questions.
Bonjour, Richard, vos collaborations avec les marques en tant qu’auteur interprète ont marqué des générations entières. Pourriez-vous nous parler un peu de votre processus créatif ?
« Pour moi, franchement, y a pas vraiment de frontière entre la pub, une chanson ou n’importe quelle autre forme de création. Pour faire un tube de pub (une bonne musique de marque) il faut juste tenir compte de 2 éléments :
Le premier paramètre qu’il faut avoir en tête, si on peut dire, c’est que dans une pub, le sujet est imposé. Mais bizarrement, c’est justement cette contrainte qui m’offre une opportunité d’exploration que je trouve fascinante. Ça m’emmène dans des directions que j’aurais peut-être jamais envisagées autrement.
L’autre paramètre important c’est que dans le monde de la pub, le temps, c’est de l’or. Les formats courts, surtout les 30 secondes, sont rois. C’est à la fois un challenge et une vraie opportunité créative. Cette limite de temps, elle nous pousse à être super efficaces et précis dans la création d’une musique de marque.
En tant que créateur, je ne travaille jamais en solo. La collaboration avec un musicien/compositeur est essentielle. Nos échanges sont un aller-retour constant, où nos idées s’influencent mutuellement.
C’est une collaboration dynamique où chacun apporte sa touche pour créer quelque chose de vraiment unique. »
Pouvez-vous nous en dire plus sur cette collaboration avec le compositeur ?
En fait, je prépare toujours le terrain en amont. Je définis le concept et je pose les mots qui vont servir de fondation à la composition musicale. C’est un peu comme dessiner les contours d’un tableau que le musicien va ensuite remplir de couleurs.
Mon rôle, c’est de donner une structure claire et des idées précises, tout en laissant la porte ouverte à la créativité du compositeur.
Travailler avec un compositeur, c’est vraiment génial. On échange nos idées, nos inspirations, et ça lui donne un cadre solide pour construire la musique de marque. C’est comme si je lui offrais une toile blanche avec les contours déjà tracés, et lui, il y ajoute toute la richesse des harmonies et des arrangements. Nos échanges sont vraiment cruciaux pour donner vie à une création qui tape dans le mille.
Certains de vos morceaux de pub ont fini par devenir de vrais titres dans vos albums. Comment ça s’est passé ?
«C’était vraiment pas prévu au départ, en fait. Par exemple, prenons la chanson pour la pub Infinitif qui est devenue Primitif. Ça a commencé par un souci posé par un client via une agence.
L’idée m’est venue comme ça, d’écrire un texte à l’infinitif. Ça semblait évident sur le coup. On a donc fait un truc qui ressemblait à une chanson, sans même le savoir à ce moment-là ! Le client n’a pas réagi, alors avec Claude Engel, le compositeur, on s’est dit que ça pourrait être cool de transformer cette pub de 30 secondes en une vraie chanson de 3 minutes. Et voilà Primitif est né.
Le truc marrant, c’est que le client s’est réveillé en disant « On la prend finalement, cette chanson. » Et on lui a répondu : « Eh bien, c’est gentil, mais on l’a déjà transformée en chanson. Si vous voulez, on peut faire une autre musique de marque pour vous. » Mais non, il voulait vraiment celle-là.
Donc voilà, la pub et la chanson sont sorties ensemble, c’était parfait pour la promo, tout le monde y trouvait son compte. Mais vraiment, c’était pas du tout prévu, c’était juste une chouette coïncidence ! ».
Aujourd’hui, en publicité, les marques utilisent massivement des titres connus et font ce que l’on appelle de la synchronisation. Quel est votre point de vue sur ce choix ?
« Honnêtement, je trouve ça vraiment désolant… Peut-être que je suis un peu partial sur le sujet, mais sérieusement, ça me laisse perplexe. Il n’y a plus vraiment de création là-dedans, plus d’identité musicale propre à une marque.
Prenez par exemple les pubs Renault où tout est en anglais… C’est quand même une marque française, non ? Vous imaginez des Américains chanter en français pour vanter une marque américaine ?
C’est vraiment triste à voir, et tout le monde s’y met, que ce soit pour des serviettes hygiéniques ou des yaourts. Tout le monde suit cette même direction.
Malheureusement, en ce moment, c’est ça la mode. C’est le choix de la facilité car je trouve que c’est bien plus difficile de créer une vraie chanson publicitaire qui deviendra un hit que de simplement faire une reprise. »
Est-ce que, finalement, ce ne serait pas la peur de prendre des risques ?
« C’est un point crucial que vous soulevez. Dans le monde du commerce et de l’industrie, il y a cette notion de risque. Si un annonceur refuse de prendre des risques, il va se retrouver avec quelque chose de banal, sans aucune surprise. Pour surprendre, il faut oser se tromper, et c’est exactement le contraire de ce que prône le marketing !
Le marketing, lui, veut éviter à tout prix l’erreur. Il étudie le marché pour dire : « Voilà, c’est ça qu’il faut faire. » Et souvent, pour éviter l’erreur, il donne aux gens ce qu’ils attendent ! Du coup, il n’y a plus de surprise, plus de nouveauté. Et franchement, je trouve cette approche vraiment pas terrible.
Le marketing a pris le dessus sur la communication. D’ailleurs, on voit de moins en moins de directeurs de la com et de directeurs de la création, et de plus en plus de directeurs marketing.
Ce qui est encore plus décevant, c’est qu’ils se trompent tout le temps, ils se plantent. Personnellement, je n’y comprends plus rien aux nouvelles pubs.
Avant, en quelques secondes, je pouvais décrypter la copie stratégique et comprendre la démarche du client. Mais maintenant, il y a des campagnes où on parle pendant 20, 25 secondes d’un truc complètement hors sujet, et puis sur les 5 dernières secondes, on parle du produit. Franchement, pour moi, c’est de l’argent jeté par les fenêtres.
Souvent, les annonceurs veulent juste faire ce que font leurs concurrents, alors c’est l’effet boule de neige. Une fois qu’une tendance est lancée, tout le monde veut sa part du gâteau, sa reprise, sa synchronisation. C’est un cercle vicieux. »
Si vous aviez un message à adresser aux agences, aux marques, vous leur diriez quoi ?
« Eh bien, si j’avais un message à faire passer aux annonceurs et aux agences, ce serait de les encourager à arrêter de faire leur chanson de publicité eux-mêmes et à faire appel à des professionnels.
Je constate un phénomène assez répandu chez les agences : elles ont tendance à mettre en place une cellule de production son et image en interne, ce qui les amène à penser qu’elles peuvent tout gérer elles-mêmes. Mais très vite, elles se heurtent à leurs limites. Parce que franchement, il ne suffit pas d’avoir un bon ordinateur et un logiciel de montage pour réaliser quelque chose de vraiment bien. Il faut des gens compétents, parfois même une équipe entière qui maîtrise le sujet.
C’est dommage de ne pas faire appel à des professionnels dont c’est le métier. Il y a vraiment des experts dans le domaine de l’écriture, de la composition. »
Et aujourd’hui, que pensez-vous de l’importance de la musique dans le contexte d’une marque ?
« Pour moi, le summum, c’est quand une marque est associée à une musique, une chanson. C’est une stratégie beaucoup plus efficace pour l’annonceur que de simplement utiliser une chanson connue, comme les Rolling Stones par exemple, pour vendre du beurre. Ça marche moins bien, et je ne comprends pas vraiment ce snobisme.
Il y a parfois des tentatives de reprises de mélodies adaptées à une marque qui frôlent le ridicule. Prenez par exemple ce truc « ciao ciao ciao » pour une boîte de sécurité. C’est juste bas de gamme, ça frise le niveau zéro de la créativité, et franchement, ça prend les gens pour des idiots.
Récemment, j’ai dû travailler sur une création pour une marque pas vraiment glamour, et je peux vous dire que ça m’a pris plusieurs mois pour la peaufiner. C’était un vrai défi, mais super stimulant. »
Richard Gotainer est actuellement en tournée avec la complicité de Brice Delage dans le spectacle « Gotainer Ramène sa Phrase » dans lequel il interprète ses plus grands tubes en proposant une formule poético-rock totalement inédite !
Retrouvez toutes les dates de la tournée sur son site.
Agence Brandy Sound
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